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Vers la justice virtuelle ?

Les juges administratifs outre-mer pourront juger en video ou audio-conférence.

jeudi 9 juin 2005, par Stephane Cottin

Publication au JO du 9 juin 2005 d’une ordonnance, accompagnée de son rapport, sur la possibilité de tenir des audiences dans les juridictions administratives sans la présence physique des juges, en un mot, par vidéo ou audio-conférence.

Cette faculté est (pour l’instant ?) limitée aux TA d’outre-mer quand ces magistrats sont effectivement affectés à plusieurs tribunaux outre-mer. C’est le cas pour les TA de Basse-Terre (Guadeloupe), de Cayenne (Guyane), de Fort-de-France (Martinique) et de Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon), mais aussi pour les commissaires de gouvernement pour les TA de Saint-Denis (Réunion), de Mamoudzou (Mayotte), de Nouvelle-Calédonie et de Mata-Utu (Wallis-et-Futuna).

Le rapport rappelle que ces dispositions dérogent à la loi de 1881 sur la presse en ce qu’elles autorisent ainsi "l’emploi de tout appareil permettant de transmettre la parole ou l’image. En revanche, elles ne dérogent pas à cet article en tant qu’il interdit l’enregistrement ou la fixation des sons ou des images".

On imaginerait bien un tribunal genre conseil jedi, avec un Maître Yoda virtuel en hologramme qui rend la justice... Non, je rêve ;-) [1]


Ordonnance n° 2005-657 du 8 juin 2005 relative à la tenue d’audiences à l’aide d’un moyen de communication audiovisuelle et modifiant le code de justice administrative (partie législative)

J.O n° 133 du 9 juin 2005 page 10092
texte n° 14
Décrets, arrêtés, circulaires
Textes généraux
Ministère de la justice

Ordonnance n° 2005-657 du 8 juin 2005 relative à la tenue d’audiences à l’aide d’un moyen de communication audiovisuelle et modifiant le code de justice administrative (partie législative)

NOR : JUSX0500102R

Le Président de la République,

Sur le rapport du Premier ministre et du garde des sceaux, ministre de la justice,

- Vu la Constitution, notamment son article 38 ;
- Vu le code de justice administrative ;
- Vu la loi n 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, notamment son article 57 ;
- Vu l’avis du conseil général de la Guyane en date du 1er avril 2005 ;
- Vu l’avis du conseil général de Mayotte en date du 13 avril 2005 ;
- Vu l’avis du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon en date du 15 mars 2005 ;
- Vu l’avis de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna en date du 30 mars 2005 ;
- Vu la saisine du conseil général de la Guadeloupe en date du 2 mars 2005 ;
- Vu la saisine du conseil régional de la Guadeloupe en date du 18 mai 2005 ;
- Vu la saisine du conseil régional de la Guyane en date du 8 mars 2005 ;
- Vu la saisine du conseil général de la Martinique en date du 3 mars 2005 ;
- Vu la saisine du conseil régional de la Martinique en date du 3 mars 2005 ;
- Vu la saisine du conseil général de la Réunion en date du 4 mars 2005 ;
- Vu la saisine du conseil régional de la Réunion en date du 18 mai 2005 ;
- Vu la saisine du congrès de Nouvelle-Calédonie en date du 3 mars 2005 ;
- Vu la saisine de l’assemblée de la Polynésie française en date du 7 mars 2005 ;
- Vu l’avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel en date du 22 mars 2005 ;

Le Conseil d’Etat entendu ;

Le conseil des ministres entendu,

Ordonne :

Article 1

Il est inséré, après le titre VII du livre VII du code de justice administrative (partie législative), un titre VIII ainsi rédigé :

« TITRE VIII

« DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AUX TRIBUNAUX

ADMINISTRATIFS D’OUTRE-MER

« Art. L. 781-1. - Lorsque des magistrats sont simultanément affectés dans deux ou plusieurs tribunaux administratifs d’outre-mer et que leur venue à l’audience n’est pas matériellement possible dans les délais prescrits par les dispositions en vigueur ou exigés par la nature de l’affaire, le ou les membres de la formation de jugement peuvent siéger et, le cas échéant, le commissaire du Gouvernement prononcer ses conclusions dans un autre tribunal dont ils sont membres, relié, en direct, à la salle d’audience, par un moyen de communication audiovisuelle. »

Article 2

Un décret en Conseil d’Etat détermine les modalités d’application de la présente ordonnance.

Article 3

Le Premier ministre, le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre de l’outre-mer sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 8 juin 2005.

Jacques Chirac

Par le Président de la République :

Le Premier ministre, Dominique de Villepin

Le garde des sceaux, ministre de la justice, Pascal Clément

Le ministre de l’outre-mer, François Baroin


Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2005-657 du 8 juin 2005 relative à la tenue d’audiences à l’aide d’un moyen de communication audiovisuelle et modifiant le code de justice administrative (partie législative)

J.O n° 133 du 9 juin 2005 page 10091
texte n° 13
Décrets, arrêtés, circulaires
Textes généraux
Ministère de la justice

Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2005-657 du 8 juin 2005 relative à la tenue d’audiences à l’aide d’un moyen de communication audiovisuelle et modifiant le code de justice administrative (partie législative)

NOR : JUSX0500102P

Monsieur le Président,

L’article 57 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit autorise le Gouvernement à modifier le code de justice administrative pour permettre aux membres d’une formation de jugement, lorsqu’ils sont simultanément affectés dans au moins deux juridictions d’outre-mer et que leur venue à l’audience n’est pas matériellement possible dans les délais prescrits par les dispositions en vigueur ou exigés par la nature de l’affaire, de siéger et, au commissaire du Gouvernement, de prononcer ses conclusions, dans un autre tribunal dont ils sont membres, relié, en direct, à la salle d’audience, par un moyen de communication audiovisuelle.

En effet, les tribunaux administratifs de Basse-Terre (Guadeloupe), de Cayenne (Guyane), de Fort-de-France (Martinique) et de Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon) ont un même président et peuvent avoir des membres communs (articles R. 223-1 et R. 223-2 du code de justice administrative), ce qui est le cas en pratique. Les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès de ces tribunaux administratifs sont assurées par le ou les mêmes magistrats (article R. 223-2 du code de justice administrative). Des dispositions similaires s’appliquent aux tribunaux administratifs de Saint-Denis (Réunion) et de Mamoudzou (Mayotte), d’une part, et de Nouvelle-Calédonie et de Mata-Utu (Wallis-et-Futuna), d’autre part.

Les distances qui séparent les tribunaux administratifs partageant ainsi leurs membres peuvent faire obstacle à la venue rapide des magistrats sur le lieu des audiences, particulièrement à Mamoudzou, à Saint-Pierre et à Mata-Utu, où aucun magistrat ne réside en permanence, soit que la fréquence des liaisons existantes impose des délais, soit que le déplacement, eu égard au temps de transport, soit incompatible avec la tenue des audiences déjà programmées dans un autre tribunal administratif dont les magistrats sont également membres. Ces contraintes matérielles peuvent ainsi faire obstacle au respect de délais fixés par la loi, notamment en matière de référé-liberté ou en matière électorale, ou bien encore au respect de l’urgence qui s’attache, dans un souci de bonne administration de la justice, au règlement de certaines affaires, compte tenu de la nature particulière du litige.

Les dispositions de la présente ordonnance permettront ainsi aux membres de la formation de jugement de siéger et au commissaire du Gouvernement de prononcer ses conclusions dans un autre tribunal dont ils sont membres, ce dernier se trouvant relié, en direct, à la salle d’audience, par un moyen de communication audiovisuelle.

Le dispositif prévu par la présente ordonnance s’inspire de celui prévu, s’agissant de certaines des juridictions de l’ordre judiciaire, à l’article L. 952-7 du code de l’organisation judiciaire, issu de l’ordonnance n° 98-729 du 20 août 1998 relative à l’organisation juridictionnelle dans les territoires d’outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il convient de relever que ces dispositions dérogent à l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en tant que celui-ci interdit, dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant de transmettre la parole ou l’image. En revanche, elles ne dérogent pas à cet article en tant qu’il interdit l’enregistrement ou la fixation des sons ou des images.

Tel est l’objet de la présente ordonnance que nous avons l’honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre profond respect.

P.-S.

Voir ici sur le blog de l’université de la Sarre Lawgical, le commentaire en allemand de cette info par Rigo Wenning. (Hallo Rigo, es war eine lange Zeit...)


breve 1031 : le 2 août 2005.

Notes

[1Merci à Lionel qui m’a soufflé l’idée

1 Message

  • Application : compte rendu dans la lettre de la juridiction administrative Le 10 janvier 2006 à 18:41, par Stéphane Cottin

    in la lettre de la justice admnistrative n° 10, page 3, lire "La vidéo-audience au service des justiciables"

    Avec la création, en 2004, du tribunal administratif de Mata-Utu, dans les îles Wallis et Futuna, chaque collectivité d’outre-mer dispose désormais de son tribunal administratif. Toutefois, eu égard au petit nombre d’affaires à juger dans certaines d’entre elles, le code de justice administrative a prévu la possibilité de magistrats communs à plusieurs juridictions.

    C’est ainsi que les tribunaux administratifs de Nouvelle-Calédonie et de Mata-Utu ont les mêmes magistrats, en résidence à Nouméa, et que les audiences du tribunal administratif de Saint-Pierre, à Saint-Pierre-et-Miquelon, sont assurées par des magistrats qui viennent de Fort-de-France, de Basse-Terre ou de Cayenne. Malgré un nombre plus élevé d’affaires, le même dispositif a été prévu pour le tribunal administratif de Mamoudzou, à Mayotte, dont les magistrats résident à Saint-Denis de la Réunion.

    Les distances font que, en pratique, les affaires qui doivent être jugées sont regroupées au cours d’un petit nombre d’audiences - d’une à Saint-Pierre en 2005, pour juger 23 dossiers, à six à Mamoudzou, pour juger 396 dossiers - et qu’il est extrêmement difficile de traiter dans l’urgence les requêtes qui le mériteraient.

    C’est pour remédier à cette situation que, sur le fondement de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, l’ordonnance du 8 juin 2005 a modifié le code de justice administrative pour permettre aux membres de la formation de jugement de siéger et au commissaire du gouvernement de prononcer ses conclusions dans un autre tribunal que celui où se tient l’audience, ce tribunal étant relié en direct à la salle d’audience par un moyen de communication audiovisuelle.

    Ce dispositif est réservé aux hypothèses dans lesquelles la venue des magistrats à l’audience n’est pas matériellement possible dans les délais prescrits par les dispositions en vigueur ou exigés par la nature de l’affaire. Il permettra d’assurer un jugement rapide des affaires urgentes, soit que les textes aient imposé des délais brefs, notamment en matière de référé-liberté ou en matière électorale, soit que l’urgence résulte de la nature de l’affaire elle-même.

    Les précisions nécessaires, quant à la répartition des tâches de greffe et aux caractéristiques techniques des moyens de communication audiovisuelle, ont été apportées par un décret du 10 août 2005 et un arrêté du 9 septembre 2005.

    L’installation des matériels requis a été achevée en décembre 2005 et la première vidéo-audience pourra ainsi se tenir en janvier 2006.

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