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Interview ADEBD : Une notion récente : le web 2.0 et ses applications aux sciences de l’information en milieu professionnel.

vendredi 8 septembre 2006, par Stephane Cottin

Publié sur le n° 2 de Bibdoc, septembre 2006, le revue de l’ADEBD, anciens élèves de l’EBD, école des bibliothécaires et documentalistes, voici un entretien mené par Bénédicte Baudot sur la notion de Web 2.0 face à nos pratiques professionnelles

Une notion récente : le web 2.0 et ses applications aux sciences de l’information en milieu professionnel.

Il y a quelques semaines, Bénédicte Baudot me demande de réaliser une présentation de la notion du web 2.0 pour Bibdoc. Elle avait en effet repéré que j’avais commis, pour le compte de la journée ADBS du 11 mai 2006, une intervention sur le thème de la mutualisation : « Que mutualiser sur le web ? l’utilisation des logiciels sociaux », présente sur mon blog à cette adresse : http://www.servicedoc.info/Que-mutualiser-sur-le-Web-L.html .

Pour être tout à fait honnête, si j’ai été très honoré par cette gentille demande, j’ai longuement traîné avant d’y répondre favorablement, et j’ai eu beaucoup de mal à rédiger ces pauvres lignes. En effet, la notion de web 2.0 est particulièrement insaisissable, inapte à mon avis à toute définition, et, personnellement, je n’ai pas l’impression d’avoir changé de web depuis que je pratique l’Internet. Je pense que ce qu’on entend généralement par le « web 2.0 » est plus un état d’esprit qu’une réelle évolution de techniques ou de pratiques.
Mais je vais volontiers me plier à l’exercice, d’autant que Bénédicte s’est donnée la peine de rédiger des questions pertinentes auxquelles je vais donc tenter d’apporter des éléments de réponse.

1/ Nous entendons beaucoup parler d’une nouvelle génération d’Internet, le web 2.0. Pouvez-vous définir cette nouvelle notion ?
Réponse franche : non. Je ne peux pas la définir. En revanche, je peux raconter l’histoire de la création du terme. Elle est apparue dans un article devenu culte de Tim O’Reilly fin 2005 http://www.oreillynet.com/pub/a/oreilly/tim/news/2005/09/30/what-is-web-20.html , traduit en français par JB Boisseau http://web2rules.blogspot.com/2006/01/what-is-web-20-par-tim-oreilly-version.html

On trouvera sur l’encyclopédie collaborative Wikipedia, une notice fort bien faite sur la notion http://fr.wikipedia.org/wiki/Web_2.0, à laquelle je vous renvoie. Mais je conçois que la réaction naturelle d’un professionnel de l’information-documentation sera de douter de la pertinence et de l’impartialité de la définition d’une pratique donnée par une encyclopédie qui en est une des applications-phare.

2/ Dans cette nouvelle approche, quel est le rôle de l’internaute, et quels sont les changements par rapport à une utilisation traditionnelle d’Internet ?
Pour les tenants de cette « nouvelle » acception du web, on serait passé d’une offre de simples pages statiques contenant des informations univoques (et de plus top-down, désolé pour l’anglicisme), à une offre multilatérale, sensible aux interactions dynamiques des utilisateurs. Ce n’est finalement pas si nouveau, puisque le web est justement conçu comme un maillage de réseaux. Mais, effectivement, dans les premiers temps du web, l’internaute n’avait que peu de possibilités d’interaction avec son environnement, à moins d’être un très bon technicien. Les nouvelles technologies Internet ont alors satisfait de nombreuses demandes en simplifiant considérablement les moyens de produire, d’enrichir ou de récupérer intelligemment de l’information.

3/ Les particuliers se sont emparés des ces systèmes de mutualisation et d’échange d’information, grâce à des outils tels que les blogs, les wikis, les fils RSS ou l’échange de favoris. L’Internaute crée maintenant du contenu, et le mutualise pour lui apporter une valeur ajoutée. Comment transformer l’essai pour intégrer ces pratiques en milieu professionnel ?
C’est surtout en milieu professionnel que sont apparus ces pratiques. Elles n’ont débordé que récemment dans la sphère du particulier internaute, pour revenir, décuplées, dans le monde de l’entreprise. Le phénomène est intéressant par son ampleur. C’est par millions que se comptent les blogs adolescents, type skyblog. Leur intérêt documentaire est nul, mais leur portée sociologique est indéniable, de même que sont très importantes les avancées technologiques (en terme de simplification des interfaces par exemple) qu’ils ont permis.

4/ Nous avons maintenant une bonne quinzaine d’années d’expérience d’Internet et les habitudes d’utilisation sont maintenant ancrées. Qu’est-ce que cette nouvelle évolution du web va changer pour les professionnels de la documentation ?

On lira avec profit le billet malicieux de Laurent Bernat sur son blog ’le museau numérique’ du 9 juillet 2006 "Où sont les documentalistes 2.0 ?" http://blog.laurent-bernat.com/dotclear/index.php/2006/07/09/94-ou-sont-les-documentaliste-20 intelligemment commenté par Blogokat sur son blog éponyme le 11 juillet 2006 : http://blogokat.canalblog.com/archives/2006/07/11/2276840.html. Laurent fait le tour de ce qui peut changer pour nous, professionnels de la documentation, évoquant pêle-mêle le fait que tout le monde peut, sans trop le vouloir (ou le savoir), devenir journaliste, vendeur, éditeur, et surtout... « documentaliste ». C’est donc un peu en réaction de protection de la profession que les documentalistes prennent en main ces évolutions et les accompagnent naturellement, en étant souvent en pointe dans ces nouvelles pratiques.

5/ En particulier, un documentaliste peut-il faire confiance à des contenus qui peuvent être corrigés en ligne par tous (Wikipedia par exemple) ?
Cette question relève typiquement du débat d’arrière garde : évidemment qu’il y a des choses fausses sur le web, tout le monde le sait, en particulier les professionnels de la documentation que nous sommes. Tout comme il y a des erreurs dans les encyclopédies papier les plus respectables. Comme s’il fallait le prouver, la très sérieuse revue Nature s’est même pliée à une étude comparative entre wikipedia et l’encyclopédie Britanica (http://www.nature.com/nature/journal/v438/n7070/full/438900a.html ) d’où il ressort que les deux outils sont très comparables en termes... d’erreurs. La polémique est sans fin, et on notera que l’INRP a réalisé en mars 2006 un excellent dossier sur la question (Laure Endrizzi, L’édition de référence libre et collaborative, le cas de wikipedia, http://www.inrp.fr/vst/Dossiers/Wikipedia/sommaire.htm )

En tant qu’éditeur (très peu actif sur wikipedia, un peu plus sur l’open directory) sur différents outils collaboratifs, je peux assurer que le « vandalisme », que Charles Népote sur le Craowiki qualifie de phénomène marginal et éphémère, est très vite corrigé. Cela existe, mais la masse critique née du nombre d’éditeurs actifs fait que ces phénomènes sont quasiment immédiatement repérés et corrigés. Voir la notice « wiki » sur la wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Wiki

6/ Nous entendons souvent "mon information et mes méthodes sont ma valeur ajoutée, je ne les partage pas". Une telle approche paraît incompatible avec le web 2.0. En quoi le partage de l’information présente-t-il des bénéfices bilatéraux ?

Ce n’est pas propre au web 2.0 : on trouvait et on trouve toujours sur le web tout court ce que d’autres ont bien voulu apporter. Ce n’est pas avec une philosophie et des pratiques d’autarcie documentaire que s’est développé le réseau des réseaux. Ce que le web 2.0 a apporté, c’est la mise en valeur de ces phénomènes, et la démonstration absolue qu’il était bien plus rationnel de partager que de tout garder pour soi (« Si tu as une pomme, que j’ai une pomme, et que l’on échange nos pommes, nous aurons chacun une pomme. Mais si tu as une idée, que j’ai une idée et que l’on échange nos idées, nous aurons chacun deux idées. », Georges Bernard Shaw)

7/ Nous entendons parler de "Folksonomie". Abandonnons-nous pour autant nos thésaurus et nos classifications contrôlées ?

Une des grandes frayeurs des professionnels de la documentation : perdre le privilège de savoir classer ! Personnellement, je n’ai jamais sauté de joie à l’idée de devoir indexer selon un plan de classement, mais, évidemment, je m’y suis plié, et j’ai parfaitement conscience que ce travail ne peut pas être fait en amateur. Aussi, les premières fois où j’ai entendu parler de ces « tags » et des suggestions de mots-clefs proposés par la folksonomie (on trouve aussi le terme plus comique de « potonomie » : la science des potes), j’ai émis des doutes sérieux sur la qualité du travail. Mais il apparaît que la sagesse populaire, pour peu qu’elle émane d’un nombre conséquent (encore une fois, la notion de « masse critique »), arrive à trouver avec précision des notions que peu de thésaurus ou d’ontologies auraient trouvées. Le phénomène est surtout visible sur les outils de signets collaboratifs comme del.icio.us, ou sur les annuaires collaboratifs de blogs comme technorati (le principal promoteur de la notion de « tags », ces étiquettes qui se veulent des mots-clefs), ou les albums photos collaboratifs (comme flickr).

8/ Y a-t-il des applications possibles pour agréger de l’information à moindre coût dans les petites structures ?

La plupart des applications étant en open source, les coûts sont limités, voire nuls. Il faut évidemment penser à la formation des utilisateurs, et (souvent c’est le plus dur) le temps de convaincre le service informatique de l’intérêt d’installer tel ou tel logiciel, mais l’offre technique est suffisamment riche et aboutie pour proposer des solutions simples à installer et à promouvoir, surtout dans des petites équipes.
Sans rien installer ou acquérir, on peut imaginer des structures proposant des listes de signets qualifiés sur del.icio.us, ou des fils rss sur une page publique de bloglines, ou encore une page d’accueil spécialisée sous netvibes http://fr.wikipedia.org/wiki/Netvibes
Avec un minimum d’installation technique, mais toujours à moindre coût, on peut imaginer des wikis ou des systèmes de gestion de contenu collaboratif plus élaboré : de nombreuses solutions libres sont envisageables, ne nécessitant que peu de ressources techniques (quelques méga-octets sur un serveur partagé = solution à quelques euros par mois chez n’importe quel fournisseur d’accès à Internet, ou sur un vieux pc déclassé dans un coin du réseau d’entreprise qu’on aura pris soin de remonter sous Linux par exemple = solution à un jour/homme d’étudiant de première année en informatique un peu débrouillard)

9/ Nous pourrions donc dire que dans les métiers de l’information, le web 2.0 ne sera pas obligatoire, mais va juste devenir indispensable ?

Bonne conclusion. Je ne rajouterai rien. Soyons fous, soyons geeks !

Voir en ligne : ADEBD

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